2. Le printemps d’Upsgran
Tout le village était rassemblé à la taverne, juste à côté du petit port. Des chants joyeux retentissaient dans le grand bâtiment de bois sans fenêtres. Une occasion spéciale réunissait les membres de la communauté béorite : c’était l’anniversaire d’Amos ! Les restes d’un grand banquet, donné en son honneur, traînaient çà et là dans un désordre ahurissant. Béorf présentait maintenant à son ami un immense gâteau au miel et aux noix de quatre étages, garni de treize bougies. La foule applaudit à tout rompre et entonna une chanson traditionnelle d’usage. Amos souffla les bougies sous une autre salve d’applaudissements.
Le jeune porteur de masques reçut en cadeau des vêtements finement tissés par les femmes du village, de solides bottes hautes de printemps, imperméables et très confortables, en plus d’un casque viking à cornes et d’un sac de voyage solide cousu dans une ancienne voile de drakkar.
Banry, chef du village et oncle de Béorf, prit la parole :
— Cher Amos, c’est un très grand plaisir pour nous de fêter ton anniversaire aujourd’hui. Depuis notre retentissante victoire sur les gobelins et le dragon de la montagne de Ramusberget, notre peuple a repris confiance en lui. C’est grâce à toi et nous t’en remercions vivement !
La foule excitée applaudit en scandant :
— Vive Amos ! Bravo, Amos !
— Je sais, poursuivit Banry, que nous ne pouvons pas remplacer ton père qui a été tué à Berrion, ni ta mère, enlevée par les gobelins et vendue par ces monstres comme esclave. Nous avons cherché sans succès l’endroit où elle a été vendue et nous continuerons à chercher jusqu’à ce que nous la trouvions. L’assurance de notre dévouement dans sa recherche est sûrement le plus beau cadeau que nous puissions te faire en ce jour. Malgré l’angoisse et la peine que peut te causer sa disparition, nous désirons te demander de nous accorder une faveur.
Les béorites commencèrent à découper discrètement le gâteau et à distribuer les morceaux. Malgré le caractère très solennel des propos de Banry, personne n’était capable de supporter plus longtemps la vue du miel dégoulinant sur les noix et l’odeur du glaçage aux myrtilles. On passa une assiette à Banry qui continua à parler tout en mangeant.
— Ta rencontre avec les Brising dans les bois de Ramusberget nous a éclairés sur la malédiction dont est victime notre race. Tu nous as tout dit sur le collier de Brisingamen, la guerre entre Odin et Freyja, puis la façon de rompre le maléfice. Nous devons nous rendre sur l’île de Freyja et la supplier de rompre sa malédiction. La déesse de la Fécondité nous permettra-t-elle de voir à nouveau nos enfants grandir ? Nous l’espérons ! Eh bien, voilà notre requête, nous aimerions que tu nous accompagnes dans cette aventure. Ton aide sera précieuse. Béorf est déjà du voyage. Nous attendions le moment propice pour essayer de te convaincre…
Amos se leva et dit :
— Vous savez que je ne suis pas difficile à convaincre lorsqu’il s’agit de partir pour une nouvelle aventure. Je vous demande cependant quelques jours avant de vous donner ma réponse. Je dois d’abord consulter maître Sartigan pour savoir ce qu’il en pense…
— Prends le temps que tu veux ! répondit Banry. Mais je suis certain qu’il n’y verra aucun inconvénient.
La fête se poursuivit dans la joie et l’allégresse jusqu’à tard dans la nuit. Danse traditionnelle et musique folklorique furent au programme de la soirée.
Le lendemain, Amos eut du mal à se réveiller pour se rendre chez Sartigan. Il n’avait pas beaucoup dormi et la musique des béorites lui résonnait encore dans la tête. Le jeune porteur de masques et son ami Béorf habitaient chez Banry. Faisant attention de ne pas les réveiller, Amos engloutit quelques fruits, du pain et un œuf dur, puis marcha rapidement vers la forêt.
Sartigan, le vieil Oriental, l’attendait pour sa leçon quotidienne. Le maître était un ancien chasseur de dragons qui avait survécu, par miracle, au temps. Il était resté presque mille ans prisonnier d’un bloc de glace. Il était maintenant le guide du jeune porteur de masques, l’aidant à atteindre son plein potentiel.
Sartigan était un peu excentrique. Il avait une allure étrange pour les gens des contrées nordiques. Sa barbe, longue de deux mètres, était enroulée comme un foulard autour de son cou. Il était toujours habillé d’une robe de moine orange et, même en hiver, il marchait pieds nus. Son haleine sentait la vieille chaussette. Par contre, le vieillard était un homme sage et Amos aimait beaucoup l’écouter parler.
Depuis leur retour de Ramusberget, Sartigan recevait Amos tous les matins jusqu’à midi, et Béorf trois fois par semaine dans l’après-midi. Le jeune porteur de masques apprenait à contrôler ses énergies tandis que l’hommanimal s’entraînait au combat corps à corps.
Les deux garçons avaient fait de véritables progrès. Amos maîtrisait mieux sa magie et découvrait de jour en jour les pouvoirs que lui prêtaient les trois masques qu’il avait déjà en sa possession, ceux de l’eau, de l’air et du feu. Béorf se battait bien. Ses mouvements étaient plus gracieux, ses déplacements plus efficaces, et ses coups de plus en plus précis. Grâce à cet entraînement soutenu, le gros garçon avait même perdu quelques kilos et il se portait à merveille.
Sartigan avait décidé de s’installer à l’écart du village dans une coquette demeure au milieu de la forêt. Upsgran était trop bruyant et trop animé pour lui. Les béorites l’avaient aidé à construire une petite cabane en bois rond, près d’un joli lac.
Dans ce lieu enchanteur, le vieux Sartigan s’adonnait à la méditation sans que jamais personne ne vienne le déranger. Il parlait de mieux en mieux la langue du pays, mais Amos et Béorf portaient toujours leurs oreilles d’elfe en cristal durant les leçons. Ces oreilles, un cadeau de Gwenfadrille, la reine du bois de Tarkasis, leur permettaient de comprendre et de parler toutes les langues. Les garçons avaient bien essayé à plusieurs reprises de déchiffrer les enseignements du maître en langue nordique, mais ils ne les comprenaient qu’à moitié.
La cabane du vieux Sartigan était aussi l’endroit idéal pour cacher l’œuf de dragon. Les garçons l’avaient ramené dans le plus grand secret du repaire du dragon à Ramusberget. Personne ne devait savoir que cet œuf existait. Les dragons avaient disparu de la surface de la Terre depuis des centaines d’années, et la petite bête qui sommeillait dans sa coquille ne devait pas tomber entre de mauvaises mains. Amos avait fait échouer les dieux dans leur tentative de ressusciter la race des Anciens (c’est ainsi que l’on appelait les dragons) et personne ne devait plus tenter de s’approprier leur force à mauvais escient.
Dans la cabane de Sartigan, l’œuf attendait le moment d’éclore. Son développement avait été subitement interrompu par Amos. Pour briser sa coquille, le petit dragon attendait qu’on le place sur des braises ardentes. Le vieillard estimait que, soumise à une puissante chaleur, la bête pourrait naître en quelques minutes.
Comme d’habitude, Amos entra dans la cabane de son maître sans frapper. Sartigan l’attendait patiemment. Le garçon le salua poliment et alla immédiatement voir l’œuf de dragon. Il caressa doucement sa coquille. Après quelques instants, Amos mit ses oreilles de cristal et dit :
— Nous devrions le faire éclore ! Qu’en pensez-vous, Maître ?
— Nous pourrions aussi nous jeter en bas d’une falaise ou encore essayer de nous transpercer mutuellement de flèches ! s’écria le vieil homme.
Amos éclata d’un rire franc et bien sonore.
— Cela serait du suicide et tu le sais très bien, poursuivit Sartigan. Lorsque le dragon t’a confié cet œuf, tu l’as accepté avec les meilleures intentions du monde. Tu te disais que s’il était convenablement éduqué, ce petit dragon naissant pourrait bien servir l’humanité. Malheureusement, un dragon n’est pas un mouton. Le mouton donne de la laine, et le dragon amène le chaos. La nature profonde de la bête de feu, c’est de détruire, de dominer et de conquérir. Son cœur est ainsi fait ! Un dragon est l’antithèse de la paix, il est l’incarnation de la guerre ! Même petit, il peut tuer un griffon ou encore réduire à néant un bataillon de soldats bien entraînés. De toute façon, tu sais déjà tout cela »… je te l’ai répété cent fois.
— Oui, je sais, dit Amos en souriant. Mais quand vous parlez des dragons, vous vous énervez toujours et votre visage devient tout rouge… Je trouve très drôle de vous voir dans cet état !
— Petit vaurien ! s’exclama Sartigan en éclatant de rire. Je n’ai jamais eu d’élèves aussi talentueux et aussi impertinents que toi ! Allons, prépare-toi, nous allons commencer par une bonne heure de méditation active.
— Puis-je vous demander conseil, maître Sartigan ? demanda Amos, un peu incertain.
— Allez, jeune élève, je t’écoute, répondit le vieillard, redevenu sérieux.
— Les béorites vont bientôt partir pour l’île de Freyja et ils m’ont demandé de les accompagner. J’hésite à cause de ma mère… Ma pauvre maman est prisonnière quelque part dans ce monde et je me dois de la retrouver. Je sais qu’elle est encore en vie ! À l’aide de mes pouvoirs, je crée régulièrement des sphères de communication et j’essaie de lui faire parvenir des messages encourageants. Malheureusement, elle ne peut pas me répondre pour me dire où elle se trouve ! Dois-je me lancer à la recherche de ma mère, alors que je n’ai pas d’indices et pas de pistes à suivre, ou partir avec les béorites et les aider de mon mieux ? Je suis tiraillé entre mon amour pour ma mère et mon amitié envers Béorf et les gens d’Upsgran. Je ne veux pas déplaire aux béorites et je ne veux pas paraître insensible au destin de ma mère. Si je pars pour l’île de Freyja, les gens diront que…
— « Les gens diront… », reprit très lentement Sartigan en appuyant sur chacun des mots. Mon avis sur le choix que tu as à faire n’est pas important et les gens peuvent bien dire ce qu’ils veulent… Je t’explique pourquoi. Un jour, alors que je demandais conseil à mon maître sur la meilleure façon de me comporter afin de plaire à autrui, celui-ci me dit de le suivre au village. Mon maître monta sur un âne, me tendit la bride et me demanda de l’amener sur la place du marché. Arrivés à destination, j’entendis des hommes dire : « Regardez cet ingrat de vieux moine qui monte à dos d’âne alors que son novice est à pied ! Les moines sont de fameux égoïstes ! » Le lendemain, nous avons recommencé l’exercice mais, cette fois, c’est moi qui étais assis sur l’âne. Les mêmes hommes déclarèrent haut et fort : « Ce novice n’a aucune éducation ! Il laisse marcher son maître, un vieux moine fatigué et fourbu ! Décidément, les bonnes manières se perdent ! » Le troisième jour, essayant de faire l’unanimité, nous sommes retournés au village à pied en traînant la bête derrière nous. Les commentaires furent : « Regardez ce stupide moine et son novice ! Ils ne sont pas assez intelligents pour monter sur leur âne et s’éviter des pas ! Les moines n’ont plus la sagesse qu’ils avaient ! » Le quatrième jour, nous sommes montés tous les deux sur l’âne. Le discours avait encore une fois changé : « Voyez ces moines qui n’ont aucune pitié pour la pauvre bête ! On ne peut décidément pas faire confiance aux moines ! » Pour pousser davantage le ridicule, nous portâmes ensemble l’âne le cinquième jour. On entendit de toute part : « Les moines sont complètement fous, regardez comment ils agissent ! Les monastères sont de véritables maisons de demeurés ! » Ai-je besoin maintenant de t’expliquer la morale de mon histoire ?
— Non, dit Amos en rigolant. Je comprends que, quoi que je fasse, je ne ferai jamais l’unanimité et que l’opinion des autres est variable et instable.
— Ne fais jamais rien pour te conformer à ce que pensent les autres, reprit Sartigan. Tu dois sentir en toi le chemin qu’il faut prendre. Moi, je ne suis pas là pour t’indiquer le chemin, je suis là pour faire la route avec toi.
— Merci beaucoup ! répondit Amos. Vous m’êtes d’une aide précieuse.
— Méditons maintenant, fit le vieillard en prenant la position du lotus.
— Une dernière chose avant de commencer, demanda le garçon en s’esclaffant, vous avez véritablement porté un âne sur vos épaules ?
— Tais-toi, ordonna gentiment le maître, nous reparlerons de cela plus tard… bien plus tard !
* *
*
Alors qu’il venait de quitter la demeure de Sartigan, Amos croisa Béorf dans la forêt, qui s’y rendait pour sa leçon. Le gros garçon sembla soulagé :
— Ouf, je suis content de te voir ! J’ai oublié mes oreilles d’elfe en cristal… Tu me prêtes les tiennes ? Je vais y faire très attention.
— Avec plaisir, Béorf. Sartigan parle de mieux en mieux en nordique, mais pas encore assez bien pour enseigner dans notre langue.
— Alors, dis-moi, tu nous accompagnes à l’île de Freyja ? demanda Béorf en rangeant les oreilles d’elfe d’Amos dans son sac.
— Oui, je pense bien que oui. Je vais suivre le chemin que je crois être le meilleur pour l’instant.
— Je suis bien content ! lança Béorf en poursuivant son chemin. Je suis déjà en retard et Sartigan va encore me gronder ! On va à la pêche avant le coucher du soleil ?
— Oui, d’accord. À plus tard !
Amos se rendit au petit port d’Upsgran. Là, sur le plus gros des drakkars, Banry discutait avec Kasso et Goy Azulson. Les deux frères semblaient dans tous leurs états. Kasso était le navigateur du drakkar. Contrairement aux autres béorites, il était très maigre, mangeait peu et surveillait sa ligne afin d’éviter les kilos en trop. Goy était tout le contraire. Guerrier accompli et rameur endurant, il était trapu, avait de bonnes épaules, un large cou et mangeait sans se préoccuper de sa bedaine. Kasso était un excellent archer et Goy maniait l’épée avec brio. Ensemble, ils formaient un duo imbattable, même s’ils passaient leur temps à se disputer.
— Tu vois, Banry, selon nos cartes, eh bien… il n’y a plus de mer ! s’écria Kasso, surexcité.
— PLUS DE MER ! s’exclama Goy, bouche bée.
— Non, il n’y a plus rien, continua Kasso. Nous allons tomber dans le vide et nous serons dévorés par le grand serpent !
Amos bondit alors sur le drakkar.
— Bonjour à vous trois ! dit-il énergiquement. Qu’est-ce qui se passe, Banry ? Vous avez tous l’air bien contrarié…
— Oui, répondit le chef du village et capitaine du drakkar. Nous ne pourrons jamais atteindre l’île de Freyja… Selon les indications des Brising, elle se situe à l’extérieur de notre monde et nous… nous tomberons dans le vide avant de l’atteindre.
— Pardon ? lança Amos, très surpris.
— Laisse-moi t’expliquer, commença Banry. Nous croyons, nous, les béorites, à la même construction du monde que nos voisins, les Vikings. Nous vivons dans un immense frêne nommé Yggdrasil. Ses branches forment le ciel et nous cachent Asgard, le domaine des dieux. Il y a aussi, au ciel, un colossal palais, fait de bois rond, où la fête ne cesse jamais. C’est Walhalla, l’endroit où les âmes des braves guerriers morts au combat trouvent le repos éternel. Tu comprends ?
— Intéressant ! fît Amos. C’est aussi très poétique comme conception du monde.
— Au centre de cet arbre, poursuivit Banry, il y a un disque plat entouré d’eau sur lequel reposent la terre et les montagnes. C’est le monde des hommes, notre monde ! Si, en naviguant, nous allons trop loin en mer, eh bien… nous tomberons dans le vide. Si cela devait nous arriver, nous serions immédiatement dévorés par Vidofnir, le grand serpent gardien. Cette bête veille à ce que les humains restent sur la Terre et ne dépassent pas les limites permises par les dieux. Les racines d’Yggdrasil plongent ensuite profondément dans l’enfer de glace, le domaine des géants. C’est là que se retrouvent les âmes des lâches et des peureux, les âmes des guerriers morts dans le déshonneur.
— Alors, tu vois bien, enchaîna Kasso, l’île de Freyja est à l’extérieur de nos cartes. Nous ne pourrons jamais nous y rendre. Elle se trouve dans le vide, dans un endroit où nous ne sommes pas autorisés à aller !
— Et le serpent Vidofnir va nous dévorer ! lança Goy, inquiet.
— Mais…, hésita Amos, il doit sûrement y avoir un moyen d’atteindre cette île ?
— Il nous faudrait Skidbladnir ! répondit Banry en riant. On l’appelle aussi le bateau des dieux. Ce vaisseau, construit par les nains, glisse sur terre, sur la mer et dans les airs. Il est assez grand pour transporter tous les dieux et une armée entière de Vikings. De plus, il peut aussi se replier et prendre la taille d’un mouchoir. Dans les légendes, on dit qu’il ressemblait à un dragon ailé et que sa voile, toujours tendue à son maximum par le vent, propulsait le navire à de folles vitesses.
— Malheureusement, nous n’avons que ce bateau ! laissa tomber Kasso. Et notre drakkar est loin de ressembler à Skidbladnir !
Amos prit quelques minutes pour réfléchir et dit :
— D’un côté, à cause de la malédiction de Freyja qui fait mourir vos enfants en bas âge, les béorites sont voués à la disparition. De l’autre, il semble bien que nous mourrions probablement tous en essayant d’atteindre l’île de la déesse. Et même si nous réussissions, rien ne prouve qu’elle veuille bien entendre notre plaidoyer…
— Mais que faire alors ? demanda Goy, complètement dépassé.
— Je crois, continua Amos, que le monde est comme un renne et que nous sommes des aveugles !
— Je ne vois pas ce que tu veux dire, fit Banry, intrigué.
— C’est Sartigan qui m’a raconté cette histoire. Un jour, on plaça quatre aveugles devant un renne et on demanda à chacun d’eux de décrire la bête. Le premier s’avança et toucha ses bois ; il dit immédiatement qu’un renne ressemblait à un arbre. L’autre toucha sa queue et affirma qu’un renne ressemblait à un lapin. Le troisième tâta sa patte et son sabot. Il déclara que le renne était semblable au cheval. Quant au quatrième, il glissa sa main dans la bouche de l’animal et décrit le renne comme étant un monstre gluant et puant.
— Je comprends ce que tu veux dire ! s’écria Goy. Il ne faut jamais faire confiance à un aveugle… C’est cela ?
— Non, répondit Amos en rigolant. Cela veut dire que nous sommes des aveugles car nous interprétons le monde selon nos propres petites perceptions. Nous croyons détenir la vérité, mais nous n’avons aucune idée de ce qu’est « un renne ». Nous ne pouvons pas avoir une vue globale de notre univers et, souvent, nous nous trompons !
— Mais je sais ce qu’est un renne ! assura Goy, fier de lui.
— Pour l’amour d’Odin, soupira Kasso, tais-toi, Goy ! Amos nous propose une image, une comparaison…
— Oui, oui…, approuva Goy, très sérieux, en se grattant la tête, je comprends, je comprends !
— Alors, selon toi, continua Banry, nous nous trompons sur l’aspect de notre monde et nous devrions tenter le coup !
— Je pense que nous aurons des surprises, dit le jeune porteur de masques.
— Je suis d’accord ! s’écria Banry. Ce n’est pas la peur qui nous fera reculer. Nous tracerons de nouvelles cartes et atteindrons cette île même s’il faut s’y rendre en volant. Kasso, fais préparer ce drakkar, nous partons dans une semaine. J’ose croire que tu nous accompagnes, Amos ?
— Que oui ! déclara le garçon. Ce sera un voyage sûrement très divertissant !